« La science et les scientifiques, ça commence à bien faire » !!!

A l’instar du célèbre Sarkozy qui dans un moment de sincérité s’était écrié : « l’environnement ça commence à bien faire », notre Préfète des Vosges lui emboîte le pas en adaptant, en acte cette fois, cette forte pensée ex-présidentielle à la science et aux scientifiques.

En effet, le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel du Grand Est (CSRPN) a rendu son avis sur la demande d’autorisation d’introduction dans le milieu naturel de Grand Tétras (Tetraourogallus), dans le département des Vosges pour les 5 prochaines années. Cet avis, publié le 21 février est étayé par un rapport de 12 pages abondamment circonstancié et documenté et se conclut sur une mention défavorable. (Voir le rapport du CSRPN ici)

Le 22 février, soit le lendemain de la publication de ce rapport, Madame la Préfète des Vosges en partenariat avec l’inénarrable Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges, toujours présent dans les pires entreprises de dénaturation du Massif, validait le projet de réintroduction du Grand Tétras. Projet qui venait d’être très sévèrement mis à mal par le groupe des scientifiques du Conseil !
La lecture du rapport de ces derniers, ne laisse en réalité aucune pertinence à ce projet qui apparaît comme une suite d’inconséquences, portée par un bataillon d’incompétences. Ce rapport constitue en fait un très sévère réquisitoire contre la politique du Parc, axée sur le développement d’activités néfastes à l’environnement (contrairement à sa mission légale)
La liste est longue des insuffisances de ce projet, qui chacune justifierait un réexamen sérieux et toutes ensemble, le rejet pur et simple de celui-ci en l’état : incohérences, erreurs grossières, références obsolètes, affirmations infondées, manques et oublis, omission de données récentes, absence de vision globale et conception étriquée et non fonctionnelle, réduite aux deux sites de lâchers etc.
Afin de ne pas alourdir le propos, nous renvoyons le lecteur à la consultation de ce rapport et nous ne retiendrons qu’une seule mais pas la moindre, des inconséquences constatées : le CSRPN relève en accord avec les acteurs du terrain, le déclin du Grand Tétras sur l’ensemble des sites du Massif où il était implanté. Les raisons sont connues et se traduisent par une dégradation rapide de l’habitat de cet oiseau, et par voie de conséquence, son inexorable disparition à très court terme. Vouloir réintroduire cet animal dans un habitat dégradé d’où il vient de disparaître est tout simplement une imbécillité. Le CSRPN ajoute dans sa conclusion : « les quelques mesures d’accompagnement, généralement non acquises à ce jour sont loin d’être à la hauteur des besoins qu’une telle opération nécessiterait pour espérer des résultats positifs.
De telles mesures devraient impérativement concerner à minima toute l’aire de présence récente du Grand Tétras. »

Le déclin de la présence du Grand Tétras est constaté depuis plusieurs années avec une accélération à compter de 2015. Les raisons sont connues :
– l’augmentation du tourisme et des activités de plein air au sein des espaces naturels vosgiens dans un contexte déjà très contraint par les changements climatiques et leurs effets directs et indirects sur la biodiversité dans toutes ses déclinaisons.
– le développement des aménagements touristiques et de l’offre d’activités de plein air
« 4 saisons », activement promotionné par le PNRBV toujours prompt à porter haut les habits barbouillés en vert de l’aménageur et jouant ici, comme à son habitude, le rôle d’un office de tourisme, le Conseil Départemental des Vosges, le Comité de Massif et quelques autres jouant les utilités.
« Cela se traduit par une très forte augmentation de la fréquentation tout au long de l’année, y compris la nuit, et donc par un dérangement très marqué dans l’ensemble du Massif ».

Constatant la diminution des effectifs du Grand Tétras dans la réserve du Gazon du Faing le CSRPN recommandait déjà en 2020 : « Concernant la pollution sonore, des actions de réduction pourraient déjà être mises en œuvre : limitation de la vitesse sur la route des crêtes à 50 km/h, renforcement des contrôles de vitesse et sonores, pose de radars, fermeture de la route des crêtes sur la durée de la période sensible (1/12 au 30/06) et pas uniquement lors des périodes d’enneigement de la route ».
Le CSRPN ajoute : « l’écosystème vosgien pourrait, dans les prochaines années, du fait des changements climatiques, se révéler inadapté au maintien d’une population de Grand Tétras, faute de la possibilité pour cette espèce, à la niche climatique étroite (Poirazidis et al. 2019) de monter en altitude dans les Vosges ».
Nous pensons que le moment est venu de se saisir de cette question de la réintroduction du Tétras et au delà des recommandations que nous portons depuis de nombreuses années nous proposerons dans les semaines qui viennent :
– Un plan d’urgence avec une liste d’objectif précis
– Un calendrier avec à chaque étape une validation de l’efficacité des mesures prises
– Une méthode d’évaluation avec à la clefs la décision ou non de la réintroduction

Dernier volet de ce projet, son financement :

Le détail du volet financier de cette opération estimé à plusieurs millions d’Euros est, selon le CSRPN, insuffisamment renseigné et ne permet pas d’estimer la réalité des mesures, notoirement insuffisantes, censées restaurer l’habitat et assurer le maintien et la reproduction naturelle.
Bilan : coût exorbitant, opacité de l’utilisation de l’argent public et opération vouée à l’échec !

Il n’est pas inopportun de penser que cette opération s’inscrit dans une campagne de communication réalisée à marche forcée, au mépris de toute démarche scientifique fondée sur les expériences en ce domaine et l’état des connaissances scientifiques. Campagne de communication visant à verdir le discours et l’image des institutions chargées de la transformation du Massif en un immense parc d’attraction, que Madame la Préfète pourrait baptiser « Parc du Grand Tétras » et inaugurer devant un volatile en carton pâte, ultime représentant vosgien de cette espèce.

Communiqué du 10/03/2023
SOS Massif des Vosges

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